Texte de Christiane Laforge

Lu à la présentation de Nicole Houde

au Gala de l’Ordre du Bleuet, le 3 juin 2017


Née à Saint-Fulgence le 1er novembre 1945, Nicole Houde a dû remplir son encrier dans le contraste doux amer des eaux douces des battures et salées du Fjord Saguenay, le cœur transpercé par la flèche du littoral pour maîtriser à ce point les cris et les silences de la douleur. Elle a osé, plus d’une fois, se mettre en péril pour exprimer la différence, le mal-être, la maladie, la révolte.


À 38 ans, elle publie son premier roman aussitôt remarqué, La Malentendue. Pas d’équivoque chez cette femme d’une rare authenticité. « Un cri qui vient de loin » dira-t-on de cet ouvrage, prélude à ses autres livres, « […] ce cri qui vient de la nuit des temps et qui fait surface dans une sorte de tsunami qui secoue des chaînes, des tabous et tout ce qui étouffe les femmes et les réduisent à leurs fonctions biologiques » décrit le critique littéraire Yvon Paré qui, depuis octobre 2016, a consacré quatre ateliers aux livres de Nicole Houde.


Son éditrice Marie-Madeleine Raoult ajoute : « Ses romans foisonnent de personnages plus grands que nature. Ses métaphores sont saisissantes. Comme si ses mots s’enveloppaient de chair. Elle se battait avec les mots, les voulait fracassants. Une parole vive, audacieuse, sans compromis, entière. Pas de place au mensonge ni à la complaisance chez elle. »


Plusieurs prix littéraires ont mis en évidence la qualité de l’écrivaine, la force et la poésie de son style, cette compréhension de la souffrance de l’autre, le génie de ses mises en histoire, brossant non seulement des personnages dans leur humanité, mais encore des lieux et des temps avec justesse. La bachelière en anthropologie de l’Université de Montréal a su insuffler à l’auteure une rigueur qui a fait d’elle une figure dominante de la littérature québécoise. Les uns lui reconnaissant une filiation avec Réjean Ducharme, les autres avec Marie-Claire Blais, pour conclure que sa voix est unique, que son œuvre est remarquable. En témoignent les honneurs reçus. La Malentendue gagne le Prix des jeunes écrivains du Journal de Montréal en 1984. Le prix du livre de fiction du Salon du livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean lui sera attribué à 3 reprises, pour Lettres à cher Alain, La vie pour vrai et Je pense à toi. Quant à La maison du Remous, Prix littéraire de la Bibliothèque de prêt du Saguenay–Lac-Saint-Jean à sa sortie, il obtient, en 2013, le Prix Hervé-Foulon du livre oublié. Nicole Houde devient alors la première récipiendaire de ce nouveau prix destiné à donner une seconde vie à un livre d’exception paru il y a plusieurs années. Et, parmi les récompenses les plus prestigieuses, le Prix du Gouverneur général 1995 lui est attribué pour Les oiseaux de Saint-John Perse.


Bien que ses livres évoquent des lieux de sa vie, l’Acadie, Saint-Nicolas, Mascouche et Montréal, sa région natale domine dans plusieurs de ses œuvres. « On ne peut pas s'abstraire des personnages que l'on crée, avoue l'écrivaine de Saint-Fulgence. Il y a toujours une parenté entre soi et les personnes du roman. Il y a des pages que j'ai écrites en pleurant. »


Dans les mots de Nicole Houde, coule l’esprit de ses ancêtres. Descendante de Michel Simard, un des fondateurs du village qui jadis portait le très beau nom de l’Anse-aux-foins, elle est la fille de Roland Houde. Cuisinier dans les chantiers, il meublait ses temps de repos par la lecture et la rédaction de lettres pour ses compagnons bûcherons. Sa mère, Thérèse Simard, malgré les rudes tâches incombant aux femmes de son époque en l’absence des hommes, aidait ses enfants Nicole, Ginette, Céline et Luc dans leurs rédactions. Très tôt, Nicole démontre un véritable talent pour l’écrit, mais, avouera-t-elle, beaucoup moins pour la discipline lors de sa brève carrière d’enseignante. Elle préfère retourner aux études, cette fois en anthropologie et histoire. Elle lit Albert Camus, Virginia Woolf, Gabrielle Roy, Romain Gary, Gaston Miron, Hannah Arendt, Rosa Luxemburg, Marie Cardinale; elle écoute Georges Brassens, Janis Joplin, Léonard Cohen et Jean-Sébastien Bach.


Mariée, divorcée, mère monoparentale de trois enfants, Frédéric, Mélanie et Janis — l’enfant différente pour qui elle écrira le percutant roman La chanson de Violetta — Nicole parvient à survivre sans renoncer à écrire. Elle travaille pour des organismes communautaires, s’occupe d’un comptoir alimentaire qu’elle évoque dans La fiancée de God. Cette amoureuse des fleurs, des oiseaux et des chats, comme la décrit un ami, aide les jeunes auteurs à travailler leur manuscrit. Elle n’hésite pas à encourager les écrivains québécois et siège sur différents jurys. Avec Amnistie internationale, elle participe à une campagne de soutien des prisonniers d’opinion Écrire ça libère. Un engagement social que suivront ses enfants, tandis que ses petits-enfants, Adélie et Paul-Émile Mailhot se révèlent précocement doués pour les écrits. Paul-Émile, 10 ans, a publié un premier roman à 8 ans. C’est pour lui que Nicole publie ces mots dans Banc-public : « J’espère que toi et moi, nous serons toujours à proximité de cœur. Même quand la vie m’enverra valser du côté de la fleur la plus secrète, la mort. J’espère que toujours, tu t’en souviendras : les mots “énormément” et “immensément”, collés l’un à l’autre, ne suffisent pas à exprimer à quel point je t’aime et t’aimerai toujours. »


Le 3 février 2016, Nicole Houde est partie « valser du côté de la fleur la plus secrète ». À la peine ressentie par ses nombreux amis qui la voulaient éternelle, comme l’exprime l’auteur Gérard Pourcel : « Mon amie Nicole est morte. Nicole, que j’avais surnommée l’éternelle. Je pense à cette femme de lettres qui a apporté une immense contribution à notre patrimoine littéraire. Et, si nous tous, qui te connaissons, on se donnait comme mission de te lire, de te relire et de te faire lire, nous volerions une partie, une infime partie d’éternité, tu pourrais, au moins, mériter pour quelque temps le surnom que je t’ai donné. »


Ce désir exprimé d’empêcher l’oubli a été entendu. Le 1er octobre 2016, à l’initiative du maire de son village natal, Gilbert Simard, aidé d’un comité de citoyens, la bibliothèque municipale de Saint-Fulgence arborait fièrement le nom de Bibliothèque Nicole-Houde.


« Dans son œuvre romanesque, Nicole Houde nous montre avec justesse et poésie comment l'espace grandiose du fjord du Saguenay imprègne et façonne les êtres qui y vivent. Elle serait très fière de cette reconnaissance et de cet honneur que lui rend son village natal », écrit son éditrice de La Pleine Lune lors de cet événement, soulignant que l'auteure restera toujours vivante à travers ses livres.


Ce soir, ce n’est pas seulement son village, c’est toute une région qui exprime sa volonté de la garder vivante.



Le 3 juin 2017


NICOLE HOUDE


Écrivaine, pour son exceptionnelle contribution

à la littérature québécoise


fut reçue Membre de l’Ordre du Bleuet

à titre posthume

mardi 24 octobre 2017

POUR SE SOUVENIR DE NICOLE HOUDE



Quelques minutes 

pour se souvenir d'un grand moment

à la mémoire de

NICOLE HOUDE







Membre de l'Ordre du Bleuet
le 3 juin 2017
Sa fille, Mélanie Mailhot, a reçu son certificat d'honneur en son nom des mains de
Hélène Gaudreault
Vice-présidente du Comité des candidatures
 de La Société de l'Ordre du Bleuet.

Texte : Christiane Laforge
Lecteur : Bruno Simard
Technicien du son : Gilles Chamberland
Metteur en lecture : Daniel Jean
Montage du diaporama : Ariel Laforge

Avec la collaboration de  Radio-Canada pour l'enregistrement de la narration. 

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POURQUOI L'ORDRE DU BLEUET

L'intensité et la qualité de la vie culturelle et artistique au Saguenay-Lac-Saint-Jean est reconnue bien au-delà de nos frontières. Nos artistes, par leur talent, sont devenus les ambassadeurs d'une terre féconde où cohabitent avec succès toutes les disciplines artistiques. Cet extraordinaire héritage nous le devons à de nombreuses personnes qui ont contribué à l'éclosion, à la formation et au rayonnement de nos artistes et créateurs. La Société de l'Ordre du Bleuet a été fondée pour leurs rendre hommage.La grandeur d'une société se mesure par la diversité et la qualité de ses institutions culturelles. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l'excellence du parcours de ceux et celles qui en sont issus.